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  • Photo du rédacteurPaul Malairan

Scott Nicholson : de la cohérence des Escape Games

Si les Escape Games ont évolué depuis les simples puzzles rooms sans histoire ni thème à des expériences narratives plus complexes elles se heurtent aujourd’hui aux mêmes problématiques que leurs aînés vidéoludiques. Le chercheur Scott Nicholson, spécialiste des Escape Game, s’est penché en 2016 sur ce sujet dans son essai “Ask Why” *. Un papier de référence à l’intention des game designers.



La dissonance cognitive dans certains Escape Game nuit à l’immersion


Scott Nicholson commence son essai par ce paragraphe amusant traduit ci-dessous :

“Vous venez d’entrer dans l’Ancien Repère du Donjon Sombre. Vous avez 60 minutes pour vous échapper, comme inscrit sur ce compteur digital sur le mur. Pour vous échapper, vous devrez résoudre le Sudoku de la Peur, découvrir 4 codes de 4 chiffres pour ouvrir les 4 cadenas en face de vous, et ensuite déterminer le code pour le clavier numérique sur le mur. Si vous avez besoin d’aide, utilisez ces talkie-walkies et quelqu’un viendra dans la salle vous donner un indice. Amusez-vous bien.”


Je pense qu’on a tous vécu ce moment de “ça ne colle pas” dans nos Escape Game.

Pour reprendre des exemples de tests de ce blog j’ai adoré Mutations et Nautilus mission Arronax. Je mets cela sur le compte que la narration et le gameplay dans ces deux expériences sont parfaitement alignées. Je suis sûr que vous trouverez dans vos expériences de jeu des exemples qui vous parleront. A noter que dans ces deux salles, le nombre de PNJ (audio ou acteurs) est important.

Au contraire, il y a de nombreux éléments de La Jungle GG qui m’ont sorti de mon immersion. Et pourtant ce n’était pas une question de décor, mais plutôt de logique entre le lieu et les puzzles et mécanismes qu’on y trouve. Un des points que j’avais soulevé était “Comment expliquer qu’un alphabet exotique ancien se traduise en français d’aujourd’hui ?”

Un autre exemple qui me vient en tête est Oggy Prisonnier du Temps. Cette room n’est pas à proprement parler réaliste mais grâce à son univers fantaisiste on ne se pose nullement la question de la cohérence. Et pourtant nous voyageons à travers le temps à la recherche de morceaux d’un chat de dessin animé. Les spécialistes du Jeu Vidéo s’accordent d’ailleurs à dire que les jeux qui ont les univers les moins réalistes sont ceux qui souffrent le moins de dissonance ludo-narrative.

Dès lors, le pitch parfait pour une puzzle room sans invention serait : “nous voulons tester votre capacité à résoudre des puzzles sans rapport les uns aux autres pendant une heure”. Il n’y aurait pas de dissonance entre la mission que je me vois assignée et ce que je dois faire.

Mais si on tente d’immerger le joueur dans une mission ou un décor particulier, les problèmes apparaissent. Qu’il s’agisse d’un simple anachronisme, des limites du décor ou encore la logique intrinsèque du lieu (pourquoi ce puzzle a bel et bien sa place ici) les écueils ne manquent pas car les Escape Games sont des Jeux Vidéos que nous jouons avec tous nos sens et qui souffrent la plupart du temps de contraintes de coûts et d’espace dont s’affranchissent les super-productions vidéoludiques.


La dissonance ludo-narrative en jeux vidéo


Les Escape Games (et certaines autres expériences immersives) sont les adaptations du jeu vidéo dans la vraie vie. La principale différence étant le rapport plus direct avec l’environnement et notre avatar dans le jeu. Dans le domaine du jeu vidéo, c’est Clint Hocking de Ubisoft qui invente la notion en 2007 dans une critique du jeu Bioshock 2. Le chercheur Frédéric Seraphine y consacre cet essai en 2016 et aborde notamment la notion “d’emersion” qui est l’inverse de l’immersion. Pour aller plus loin, je vous conseille la vidéo du magazine d’ARTE “bits”. Mais la notion, abondamment utilisée depuis sa popularisation, l’a été souvent à tort et à travers. A la réflexion, il semblerait que les dissonances ludo-narratives entre les deux medium soient de natures différentes. Sommes-nous plutôt face à de la Dissonance Cognitive en Escape Game ?


Ne gachons pas un beau décor avec de mauvaises énigmes. Photo d'illustration / 5 Wits.

La philosophie “Ask Why”


Nicholson propose aux créateurs d’Escape Game de se poser la question du pourquoi de chacun des éléments du lieu pour améliorer la cohérence de l’expérience. Pour chaque élément de l’expérience du joueur d’une expérience immersive, le game designer devra se poser la question “Pourquoi est-ce ici ?”. C’est la question de la cohérence à tous les niveaux qui est soulevée afin d’améliorer l’expérience du joueur en Escape Game. “Pourquoi une heure ?” Les game-designers doivent créer un sentiment d’urgence et donner une limite de temps aux joueurs, mais celle-ci manque parfois de logique quand on creuse la question. Pas d’anachronisme, ni d’éléments illogiques : cela paraît une évidence, mais les problématiques sont souvent plus fines. Pourquoi y a t il autant d'énigmes et leurs solutions dans cette pièce ? En quoi est-ce logique d’appuyer sur ce bouton et cet autre-là afin de découvrir tel indice ? Si la plupart de ces problématiques ont été réglées dans les rooms modernes, certains subsistes. L’une des plus difficile à trancher est la vraisemblance. Même si comme dans toute œuvre de fiction ou ludique, on attend du joueur une suspension consentie de l’incrédulité, les expériences immersives sont un médium jeune et la marge de progression reste importante.


Sources :

Si le sujet vous intéresse, je vous encourage à lire ce PDF de 17 pages en anglais.

Nicholson, Scott. (2016). Ask Why: Creating a Better Player Experience Through Environmental Storytelling and Consistency in Escape Room Design.

Disponible à l’adresse suivante : http://scottnicholson.com/pubs/askwhy.pdf

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