Paroles de Joueur est une nouvelle rubrique sur le blog où l'on parle avec un invité de ce qu'il aime jouer. Pour notre première interview, c'est Nicolas qui se prête à l'exercice.
LJI : Bonjour Nicolas, peux-tu te présenter brièvement ?
Bien sûr. Donc moi c’est Nicolas, j'ai 34 ans et je suis référent jeux vidéo en médiathèque depuis plus de 10 ans maintenant.
LJI : Peux-tu nous dire plus sur cette profession ?
Le jeu vidéo n’est pas nouveau en médiathèque. Autrefois, il était géré par le responsable multimédia qui s’occupait de l’offre informatique. Mais l’évolution des jeux a été rapide et il n’était pas possible pour les médiathèques de s’équiper en PC et matériel adéquate. Les médiathèques se sont donc naturellement tournées vers les consoles de jeux vidéo et ont ouvert des postes spécialisés dans ce domaine pour gérer l’offre.
Pour ma part, je suis référent sur un réseau de 3 médiathèques qui disposent chacune de toutes les consoles de la Wii à la Switch, soit plus d’une vingtaine de consoles qui sont proposés en accès libre pour jouer sur place. Mais cela ne veut pas dire que je joue toute la journée, c’est même sans aucun doute ce que je fais le moins ! En réalité, je veille à ce que l’offre quotidienne fonctionne normalement, je fais les achats de jeux et de consoles, je prépare des animations (type tournoi, découverte de jeux, etc.) et je coordonne chaque année une quinzaine du jeu sur ces 3 médiathèques (et ce n’est qu’une part de mon travail, j’interviens aussi sur d’autres domaines et services de la médiathèque). Une chose à savoir pour ceux qui voudrait travailler là-dedans, c’est qu’il ne sert à rien d’être un hardcore gamer ou d’avoir toutes les connaissances sur l’histoire des jeux et des consoles, le travail qu’on fait, c’est avant tout de l’accueil des publics et de la médiation culturelle.
LJI : Tu animes un blog à destination des référents jeux vidéo en médiathèque, peux-tu nous en dire plus sur celui-ci ?
Effectivement, j’ai eu l’occasion d’intervenir et d’assister à de nombreuses journées d’étude sur le numérique. C’est à cette occasion que j’ai croisé de nombreuses personnes qui allaient devenir de futures référentes mais qui semblaient démunies face à une culture qu’elles ne maîtrisaient pas. A cette époque, j’étais déjà bien engagé dans une association de jeux vidéo ainsi que dans l’association des bibliothécaires de France et pour qui j’ai co-dirigé avec Anne-Gaëlle Gaudion un ouvrage sur le jeu vidéo en bibliothèque.
Mais ce n’était qu’une étape dans une offre qui évoluait déjà rapidement. Et en septembre 2015, je me suis lancé dans un site spécifique dédié aux jeux vidéo en médiathèque : www.jeuxvideotheque.com. Il se compose de 3 parties : médiation (où l’on trouve des dossiers, des fiches d’animation, des retours d’expérience et des conseils du quotidien), médiathèque (où l’on regroupe les jeux et les œuvres – films, musique et livres – qui traitent de ce domaine) et enfin médias (qui regroupe les podcasts et vidéos diverses que l’on peut retrouver sur Internet). L’objectif du site à terme est qu’il soit autonome, construit par les bibliothécaires eux-mêmes à partir de questionnaires simples à remplir.
L’objet le plus emblématique en ce qui me concerne est la carte de France du jeu vidéo en bibliothèque qui recense tous les établissements qui proposent un service de jeux vidéo, certains en consultation sur place tandis que d’autres prêtent des jeux et même des consoles, de l’Atari 2600 à la Switch, mais elles sont encore rares.
LJI : Quel est ton premier souvenir de jeu vidéo ?
Je me souviens d’un Pong, de Mandragore et Oméga sur Thomson MO5, de Super Mario Land sur Gameboy mais je me souviens aussi de ma première tablette (si on peut l’appeler ainsi) : l’Ordimini ! Un jouet électronique éducatif qui a d’ailleurs été émulé en ligne : http://www.ordimini.net/ Les applications que l’on propose aujourd’hui sur iPad ne sont parfois pas plus évoluée.
LJI : Et aujourd'hui, quel est ton genre de jeu vidéo préféré ?
Je n’ai pas vraiment de genre préféré. Je peux aussi bien enchaîner des parties de Tetris que passer des heures à explorer un monde comme celui de GTA V en ligne. Cela dépend surtout de mon état d’esprit. Si tu veux connaître mon Top 3, il s’agit de Final Fantasy VII (RPG), Journey (plateforme) et Red Dead Redemption (Action/aventure). Je suis aussi un grand fan des sagas Tomb Raider et Uncharted, de quelques jeux de gestion (Two Point Hospital, Frostpunk, Age of Empire II) ou encore point & clic (Les Chevaliers de Baphomet). J’avoue, c’est assez rétro tout ça, il y a aussi tellement de bons jeux plus récents.
LJI : Et le jeu de société dans tout ça ?
Le jeu de société est un domaine qui est en train de revenir en force dans les bibliothèques ces dernières années, notamment pour leur aspect social, ce que les jeux vidéo font de moins en moins, préférant des pratiques multi-joueurs en ligne plutôt qu’en local. Je suis totalement novice en la matière mais c’est un domaine sur lequel je suis amené à travailler.
LJI : Nous nous sommes rencontrés sur un évènement autour du le jeu de société moderne. Depuis combien de temps pratiques-tu ? Quel est ton jeu de société préféré ?
Je pratiquais pas mal quand j’étais petit, que ce soit en famille ou entre amis. Je me souviens d’une armoire pleine à craquer de boîtes de jeux (pas toujours pleines) parmi lesquelles on trouvait des jeux de cartes diverses (Le Nain Jaune, 7 Familles, 1000 Bornes), Mastermind, Super Défi et évidemment les Monopoly, Destins et La Bonne Paye qui m’ont pas mal appris à compter. Je me suis ensuite accroché aux jeux vidéo qui me permettaient de jouer seul et ce n’est que très récemment que je me suis remis dessus par les soirées sur lesquelles nous nous sommes rencontrés.
Je dirais que mon jeu préféré est celui qui n’a pas trop de règles à retenir mais qui implique de définir une stratégie à chaque tour. Récemment j’ai adoré Onitama et Cartagena.
Mais en réalité, j’appréhende beaucoup de me lancer dans des jeux car j’ai toujours du mal à retenir l’intégralité des règles. Dans le jeu vidéo, les actions viennent progressivement dans les premiers niveaux, là il faut tout assimiler d’un coup et mon cerveau ne suit pas toujours !
LJI : Notre blog s'intéresse à toutes les formes de jeux et de joueurs. Joues-tu en dehors des jeux vidéo et de plateau ? As-tu des expériences à nous faire partager ?
Je ne suis pas très adepte de toutes ces formes de jeux qui mettent en scène les joueurs. Je reconnais leur potentiel et je suis prêt à les exploiter dans ma profession, mais à titre personnel, je ne pratique pas.
J’ai vécu ma première escape game très récemment lors d’un événement que j’organisais. Du coup, je tenais aussi un peu le rôle d’animateur auprès des jeunes. Avant d’être bibliothécaire, j’étais cow-boy et j’attaquais des trains (des vrais avec des passagers dedans) mais ça tenait davantage de la représentation théâtrale que du jeu de rôle grandeur nature, ce à quoi je n’adhère pas du tout alors que j’aime être en représentation.
Je n’aime guère les simulateurs qui, de par leur précision, impliquent une parfaite maîtrise de manipulation. Pour les jeux de course par exemple, je préfère nettement maîtriser un drift sur des dizaines de mètre à la manière d’un Ridge Racer plutôt qu’un Dirt Rally. J’ai eu l’occasion de tester une simulation de Boeing 737 avec tableau de bord et cadrans, une expérience intéressante, mais je n’ai quasiment pas regardé les 3 écrans sur lesquels étaient projeté le paysage, trop concentré sur les balises de vol à suivre et les indications sur le tableau de bord. On est loin du fantasme qu’on peut se faire de prouesses impossibles comme des loopings en rase-motte tout en passant au milieu de monuments connus.
Pour ce qui est de la réalité virtuelle doit encore se développer mais je suis convaincu que nous l’utiliserons dans pleins de domaines par la suite, de même que la réalité augmentée qui a un potentiel encore inexploité ! Autant j’ai l’impression d’être un hippopotame sur Just, Dance, autant j’ai l’impression de mener une chorégraphie mortelle sur Beat Saber (peut-être parce que j’ai l’impression d’être un samouraï Jedi !)
Par contre, je suis aussi passé totalement à côté de Pokemon Go, d’une part parce que j’avais un smartphone trop vieux pour y jouer et d’autre part, parce que je ne me suis jamais intéressé à Pokemon, que ce soit en jeu ou en anime. De même que Fortnite, je me suis laissé happer un après-midi entier dessus mais ce n’est clairement pas de mon niveau. Et l’esport, n’en parlons pas, déjà enfant je ne supportais pas de regarder mes copains jouer, je préférais avoir la manette en main.
Du coup est-ce que j’ai d’autres pratiques de jeux ? Et bien, j’adore faire des jeux de lettres (type mots croisés) de temps en temps. J’aimais aussi beaucoup les soirées loto, celles des villages où on va jusqu’à monter sur la table pour prévenir qu’il manque un numéro pour le carton plein.
LJI : Pour finir, que dirais-tu à un joueur de jeu de société qui ne connaitrait pas le monde du jeu vidéo ?
C’est dommage. Car aujourd’hui, il existe une poignée de jeux qui, à mon sens, devraient être obligatoires comme Journey, qui invite à se poser des questions sur soi-même, ou Portal, qui propose un concept jouant sur les lois de la physique. Bien sûr il y en a d’autres sans parler des jeux qui ont fait évoluer le support lui-même.
J’essaierai avant tout de savoir si cette méconnaissance est volontaire ou si c’est parce que l’occasion ne s’est pas présentée. S’il est ouvert à l’idée, je lui expliquerais ce que j’aime dans le jeu vidéo et je le conseillerais en fonction de ce qu’il aime, sinon… j’ai compris qu’il ne fallait pas toujours insister. Je rencontre très souvent de type de personnes dans mon travail, surtout des parents, qui s’arrêtent à ce que les médias disent du jeu à chaque événement tragique. C’est parfois long mais on y arrive ! Récemment sur une animation, j’ai pu réunir plusieurs mères de famille qui accompagnaient leurs enfants. En réalité, elles n’attendaient que de jouer entre elles alors que ça n’auraient pas été concevable il y a 1 an ou 2. Si une personne est ouverte, elle prendra forcément du plaisir sur un jeu, j’ai confiance au média.
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