Escape Game, le terme est si souvent usé à tort et à travers qu'il en devient galvaudé. Fort du succès des Live Escape Game, le terme est désormais utilisé à toutes les sauces créant encore plus la confusion dans l'esprit du grand public. Loin de décider si tel ou tel jeu est bon ou mauvais, le but de ce billet est de réfléchir à la légitimité de l'appellation. Et par extension de définir les contours de ce qui rend cette expérience si unique.
Cas n°1 : Une visite scénarisée d'un monument historique n'est pas un Escape Game.
Les expériences dans les Musées, Châteaux et même jusqu'à l'Opéra Garnier* ont fleuri ces dernières années dans les lieux touristiques et historiques. Problème, le lieu en question doit conserver son intégrité pour des raisons évidentes. C'est l'antithèse même de ce qui se passe dans une bonne session de jeu où la fouille doit être sans limite. Il y a transgression des choses qui peuvent se faire dans la vie réelle, une forme de destruction et d'altération de la zone de jeu qui nécessitera un « reset » (rangement de la salle avant l'équipe suivante) de la part du Maitre de Jeu.
* note du 20/08/19 : depuis l'écriture de ce billet, l'organisateur a changé la dénomination en "Immersive Game" preuve d'une évolution du vocabulaire.
Cas n°2 : Rentrer des numéros de cartes à jouer dans une tablette ne fait pas d'un jeu de société un Live Escape Game. Sur le site de l’éditeur du jeu de société Unlock on peut lire « vivez une escape room chez vous ». Je comprends l’aspect « problem solving » en mode coopératif, mais pour le reste je ne suis pas d’accord. Ce que je préfère dans une Room c’est la fouille, l’immersion et la manipulation. Disons que fouiller une carte à jouer qui fait office de décor, c’est pas fou-fou.
Cas n°3 : Jouer chez soi après avoir ouvert un kit de jeu, ce n'est pas faire une Room.
Si les enseignes passent des mois à peaufiner leurs décors et leurs énigmes c'est pour une bonne raison. Une session de jeu réussie ce n'est pas une chasse au trésor faite avec des bouts de papier. Les éléments physiques du décor et leur animation doivent créer un effet woaw que vous peinerez à reproduire dans votre salon. En plus vous n’avez pas de dépaysement, c’est votre salon. Ce qui est magique dans une Room, c’est de se retrouver dans un autre monde pendant une heure. Autre cas proche : si le support est un livre, il y a de grandes chances que ce soit un mix entre un "Livre dont vous êtes le Héros" et un cahier de vacances.
Cas n°4 : Un Escape Game à jouer chez soi sur son ordinateur ca s'appelle un Jeu Vidéo.
HomEscapeGame a trouvé un concept intéressant afin de commercialiser un « escape game virtuel pour que vous puissiez y avoir accès depuis chez vous, sans rien avoir à préparer ». Le site du jeu précise qu’ »Homescapegame est basé sur les mêmes principes qu’un escape game classique (énigmes, codes, puzzle, temps limité, etc) mais se sert également des possibilités offertes par internet. En plus d’énigmes, nos scénarios originaux vous plongeront souvent dans un jeu de pistes, vous faisant passer de site en site pour trouver les bons indices. » Le concept résout pas mal de problèmes soulevés dans les cas n°2 et 3 mais ce faisant il se détourne aussi du monde réel en devenant une expérience vidéoludique. HomEscapeGame pourrait donc être décrit comme un jeu vidéo d’énigmes collaboratif et ouvert sur le monde réél à réaliser en un temps limité, ce qui est déjà innovant en soi.
Cas n°5 : Un Escape dans la forêt, est-ce un Jeu de Rôle Grandeur Nature ? Escape Forest propose 3 aventures à jouer sur 4 hectares clôturés pour une durée de 20 heures.
Proposant énigmes, épreuves physiques et vie au grand air autour du feu de camp, le jeu peut-être considéré comme un Maxi Escape Game. Plus grand, plus long et plus immersif. On peut se dire que le décor va être plutôt dans le domaine du connu. L’enseigne définit son produit comme « L’aventure inspirée des escape game » et cela ne semble donc pas usurpé, mais poussons la réflexion plus loin. Dans le domaine du jeu il y a des gens qui passent tout un week-end à vivre dehors et costumés : ce sont les rôlistes GN. Escape Forest ne serait-il pas un GN clé en main, où la composante jeu de rôle est moins poussée au profit de mécanismes plus communs aux Escape Games ?
Cas n°6 : Ça à la couleur et le goût de l’Escape, mais l’enseigne nous dit que non.
Certaines enseignes n'hésitent pas à expliquer les différences de leur produit avec les Escape Game.
Pour l'enseigne française Gear Prod, Echo Squad est à l'intersection de l'attraction, du Jeu Vidéo et de l'Escape Room. Gear Prod décrit d’ailleurs son produit comme « un jeu vidéo grandeur nature ».
L'enseigne américaine 5 Wits (« cinq sens »), pionnière des activités ludique grandeur nature, prend un malin plaisir à nous expliquer en quoi elle n'est PAS une Room. Sûrement pour nous expliquer qu'elle est plus ancienne et mieux. Ces « Immersive Live-Action Adventures » se différencient selon l’enseigne par 5 grandes différences. Tout d’abord le jeu est narratif et il y a plusieurs fins possibles pour chaque scenario, l’enseigne insiste sur le côté action plutôt que réflexion. D’autre part, les sessions de jeu sont plus courtes et les salles accessibles sans réservation préalable. Cette prouesse est du au fait qu’aucun « reset » des salles n’est nécessaire.
En conclusion :
Vous l’avez compris, le but n’était pas de critiquer les jeux cités ci-dessus mais bien de réfléchir au sens et à la définition des mots. Pour moi, un Escape Game reste une salle ou un ensemble de salles thématisées où une équipe devra réaliser collectivement une mission en un temps limité. Et la VR dans tout cela ? Et bien une Room en VR est souvent bien un Escape Game dont l’interface est différente. Je préfère les véritables décors pour ma part. Réjouissons-nous de cette créativité et de ces nouveaux modes de jeu.
Pour aller plus loin :
Cas n°1 : Un Escape à l'Opéra (changé depuis en "Immersive Game")
Cas n°2 : Unlock
Cas n°4 : HomEscapeGame
Cas n°5 : Escape Forest
Cas n°6 : Echo Squad et 5 WITS
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